Les enseignants soulignent souvent les difficultés rencontrées face à l’hétérogénéité des classes. Les chercheurs quant à eux mettent en exergue l’hétérogénéité des apprenants : il n’y a pas deux élèves qui apprennent à la même vitesse, qui soient prêts à apprendre en même temps, qui mettent en œuvre les mêmes stratégies pour apprendre, qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts, etc
La différenciation pédagogique consiste moins à réduire les différences entre les élèves qu’à mettre en œuvre des démarches et dispositifs permettant à chacun de progresser dans ses apprentissages. Concrètement, il s’agit en fait de « trouver divers moyens d’amener chaque élève au maximum de son potentiel, tout en ayant des objectifs communs » (Leroux, M. et Paré, M. 2016. Mieux répondre aux besoins diversifiés de tous les élèves : des pistes pour différencier, adapter et modifier son enseignement. Montréal, Chenelière Éducation).
Comment différencier ?
4 dispositifs :
- Différencier par les contenus : définir les fondamentaux puis possibilité de varier les contenus d’apprentissage. Tous les élèves ne font pas la même chose au même moment.
- Différencier par les processus: les élèves disposent de différents moyens pour s’approprier, comprendre le contenu et attester de leur progression
- Différencier par les productions: les élèves ont le choix dans leur production
- Différencier par les structures: l’environnement de travail peut favoriser la différenciation des apprentissages (organisation du temps et de l’aménagement de l’espace)
Vous trouverez ci-dessous des pistes concrètes à mettre en œuvre en classe pour permettra la différenciation.
Quels intérêts à ces dispositifs suivants ?
Du côté des élèves :
- Avoir du choix dans l’organisation de son travail, l’organiser et décider des modalités de sa réalisation (seul, en binôme, avec certains outils d’aide) – le choix impacte la motivation
- S’adapter à son niveau et à ses besoins (reprendre des exercices, s’entrainer davantage, faire évoluer les apprentissages, adapter les supports) – on développera ainsi le sentiment de compétence, moteur à la motivation
- Apprendre une posture de tuteur
- Être acteur de ses apprentissages
Du côté des enseignants :
- Gérer l’hétérogénéité de la classe
- Adopter différentes postures et celle parfois d’observateur
- Avoir du temps pour travailler en groupes de besoin, en petits groupes, en relation duelle
- Responsabiliser l’élève et le faire devenir acteur de ses apprentissages – le sentiment de contrôle sera également un levier de la motivation
Cela engendrera inévitablement une autre organisation de préparation pour l’enseignant. Un temps plus important sera souvent nécessaire, notamment au début. Le temps en classe sera plus serein et l’enseignant plus disponible pour ses élèves permettant des apprentissages plus efficaces. Cette organisation modifiera le climat de classe et développera très souvent un bien-être élèves et enseignant.
La feuille de route
La feuille de route, parfois appelée plan de travail par généralité, permet de lister les activités que les élèves ont à faire en autonomie. Cela libère l’enseignant qui peut donc enseigner à un petit groupe d’élèves ou en demi-classe. Mais ce temps de travail autonome des élèves va permettre aussi à l’enseignant d’aider ses élèves en fonction des besoins. Ce dispositif répond à deux besoins : l’hétérogénéité de la classe et l’autonomie des élèves.
Sylvain Connac, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul-Valéry de Montpellier a travaillé sur les plans de travail et plus globalement sur les pédagogies coopératives.
Quelques principes de base pour concevoir ces fiches de route:
Penser à varier :
- Les activités : entrainement, activité de mémorisation, activité de préparation d’un enseignement (par exemple : lire un texte, identifier certains éléments), copie (leçons, devoirs, poésies)
- Les supports : numérique, jeux, manuel, fichier, sur cahier
- Les modalités : seul, à deux, à trois
- Les corrections : auto correctif, correction différée par l’enseignant, pas de correction
Autres conseils :
- La présentation des activités de cette fiche de route : ne pas tout présenter le jour 1 du lancement. On ne doit pas y prévoir que des nouveautés, anticiper certaines activités qui seront présentées la semaine précédente. Par exemple : on découvrira en classe entière ou en demi-classe un nouveau jeu, on jouera une partie rapidement afin que les règles de bases soient connues et que les élèves puissent jouer en autonomie ensuite.
- Penser un temps de régulation dans la semaine ou dans la quinzaine. Observer ce qu’ont fait les élèves puis réadapter si besoin pour la suite.
- Penser à l’échéance : une semaine, deux semaines, ou plus.
- Penser la lisibilité de la feuille de route : domaines identifiés, consigne claire, supports de travail associés. Éviter les distracteurs : décorations superflues.
- Évaluation : on veillera à prendre un temps en fin d’échéance pour évaluer l’investissement dans ce travail, la difficulté des tâches.
- Communication des familles : il semble important de donner à voir aux familles ce qui est réalisé avec ce support. On peut ainsi demander une signature des familles et surtout un échange avec l’enfant.
Exemple A : fiche de suivi épurée pour non lecteurs
A destination d’élèves non lecteurs. Certaines activités sont ritualisées et reviennent fréquemment, d’autres sont nouvelles et sont expliquées collectivement. Ce document est imprimé sur une feuille A5 ou A4 qui est ensuite rangée.
Exemple B : plan de travail avec affichage collectif
Explications : chaque élève a son tableau et ses 8 cases. A chaque case de couleur correspond un travail (affiché à côté sur les feuilles de couleur correspondante). Lorsque le travail est fait, l’élève coche la case. L’enseignant peut réguler en cochant des cases pour que des élèves ne fassent pas certains exercices ou encadre pour préciser une priorité.
Avantages :
- limite le nombre de photocopies (en comparaison avec une feuille de route par élève)
- permet en un coup d’œil d’observer l’avancée du travail des élèves
- système facile à mettre en place
- adaptable sur une classe multi niveaux en cochant les cases colorées des élèves concernés et ainsi proposer ponctuellement une même activité pour un élève de CP et de CE1 sans stigmatisation
Astuce : L’élève indique par un point dans la case correspondante que le travail commencé sera terminé lors du prochain temps de travail en autonomie lorsqu’une fiche n’est pas terminée. Cela permet à l’élève de repérer le travail en cours.
Exemple C : plan de travail en fiche individuelle
Les étoiles marquent une priorité, qui peut être variable d’un élève à un autre. Deux lignes de conjugaison presque identiques apparaissent, elles permettent de réguler la vitesse des élèves. Tous devront faire les 3 premiers exercices, les deux autres seront à faire après d’autres activités. Ici l’objectif est d’éviter que des élèves fassent un domaine en entier et n’aient pas le temps d’en faire un autre.
Le coloriage sur ce plan de travail (qui n’en est pas vraiment un au regard de la définition de Sylvain Connac) marque la possibilité de prendre une pause. Nous travaillons cela avec les élèves et leur besoin pour remobiliser l’attention sur une tâche de moyenne ou haute intensité.
Sont parfois ajoutées des activités complémentaires (soit au recto de la fiche soit sur une fiche à part qui sera donnée à la demande et après vérification de l’ensemble des items correctement réalisés). Celles-ci ne visent pas avancer dans les compétences du niveau mais à travailler différemment.
Exemple de bilan :
Exemple D : des plans de travail visuellement attractifs
Un visuel attractif peut développer la motivation extrinsèque de l’élève. Bien sûr, ce n’est pas celle qu’on encouragera à long terme car elle ne permettra pas l’agentivité humaine (=faculté d’action) mais elle constitue une entrée à la mise au travail.
Avantages :
- repérage facilité par l’élève : absence de distracteurs, pictogrammes, cadres identiques pour les différents exercices, visuel agréable
- activités variées : jeux à manipuler, exerciseurs numérique
- moment de l’évaluation choisi par l’élève
- possibilité de réviser le cours avec une vidéo
Où ranger les feuilles de route ?
Quelques pistes :
- dans un classeur
- dans une chemise plastifiée à angle pour le plan de travail en cours
- regrouper les plans de travail d’une période et les agrafer, les stocker dans une chemise cartonnée
Analyser un plan de travail
Un autre système : entre les ateliers et la feuille de route
A partir de l’emploi du temps :
L’enseignant est en dirigé avec une partie de la classe pendant 30 minutes, pendant ce temps l’autre moitié est en autonomie sur deux créneaux de 15 minutes.
Le groupe 1 réalisera un travail écrit individuel sans bruit.
En parallèle, le groupe 2 est en atelier (imposé ou au choix) avec un peu de bruit de travail possible si besoin.
Avantages :
- toutes les activités qui s’organisent en parallèle ne sont pas bruyantes
- gestion du matériel partagé : tous n’ont pas besoin d’une tablette au même moment ou d’un jeu
- développement de l’autonomie
- réponse à l’hétérogénéité car le contenu de l’atelier peut varier (nature de l’activité, quantité, difficulté)
Avec un système d’inscription :
Le groupe encadré en bleu commence par faire le travail à son bureau écrit, l’autre groupe commence par l’atelier. Quand le timer bipe, ils échangent. L’enseignant peut donc profiter de 30 minutes de travail avec l’autre groupe.
On peut également identifier deux activités de 15 minutes: on y indique une liste d’élèves pour chaque (homogène ou hétérogène), ils réalisent le travail au moment demandé.
Progressivement, un élève responsable pourra arrêter le time timer et le relancer.
Avantages :
- organise et encadre l’autonomie, cela est donc sécurisant
- évite des activités trop bruyantes (une seule des deux le sera)
- permet à l’enseignant de disposer de 30 minutes complètes avec un groupe
Inconvénient :
- la durée de l’activité ne peut excéder 15 minutes donc risque que des élèves aient déjà fini ou à l’inverse n’aient pas fini. Cela sera plus ou moins gênant selon les activités choisies.
Les séances flexibles